La Loi

Le Poker n’est pas un hobby comme un autre. En effet, il jouit à tort ou à raison d’une réputation sulfureuse et se retrouve donc soumis à un traitement de faveur de la part des autorités judiciaires.
Afin d’éviter de se retrouver en « désaccord » avec les forces de l’ordre, il est bon de se pencher d’un peu plus près sur le cadre législatif de la pratique du Poker en France.

Tout d’abord, une précision s’impose :

Le Poker est, aux yeux de la loi française, un jeu de Hasard.

Le législateur estime qu’au Poker c’est la « chance qui prédominesur l’habilité, la ruse, l’audace et les combinaisons de l’intelligence ».
A ce titre, il est soumis à la loi du 12 Juillet 1983 (Ici).
Cette loi est primordiale pour quiconque souhaite jouer au Poker en restant dans le cadre de la loi. Je vous encourage donc fortement à lire ce texte…

La pratique légale du Poker live en France peut se faire de trois manières :

  1. dans un Cercle de Jeux
  2. dans un Casino
  3. dans le cadre d’une partie privée

Il est également possible de jouer au Poker sur Internet.

Intéressons-nous aux différents cadres législatifs de ces pratiques :

Les Cercles

Les Cercles de jeux sont des associations régies par la loi de 1901. Leur objet doit donc être et rester à caractère social. Ceci les oblige à verser une contribution équivalente à 10% du produit brut des jeux (après prélèvement de la taxe sur les spectacles) à diverses associations dont la liste est soumise à l’approbation du ministère.

C’est la loi de finance du 30 Juin du 1923 qui a légalisé les Cercles de Jeux. La Commission Supérieure des Jeux (CSJ) examine les demandes des Cercles et rend un avis pris en compte par le Ministère de l’Intérieur qui décide d’accorder ou non la fameuse autorisation. Cette dernière est temporaire et révocable en cas de non respect de la législation.

La tenue d’un Cercle de jeux est encadrée par le Décret du 5 mai 1947 et l’Instruction du 15 Juillet 1947.
Ils ont, entre autres, l’obligation d’avoir un règlement intérieur, un conseil d’administration et de restreindre l’accès des salles de Jeux exclusivement aux membres

Le choix du personnel est soumis à l’agrément du Ministère après enquête de moralité et de compétence.

Les ressources des Cercles sont constituées des cotisations des membres, des prélèvements effectués sur les gains des joueurs (variable) et des produits des bars /restaurants. Les Cercles sont soumis au prélèvement sur le Produit Brut des Jeux.

Les Casinos

Par dérogation à la loi du 12 Juillet 1983 et en vertu de la loi du 15 Juin 1907 (Ici), les Casinos peuvent être autorisés à ouvrir au public des locaux spéciaux où seront pratiqués des jeux de hasard dans les stations balnéaires, thermales ou climatiques.
Cette autorisation temporaire peut également être accordée aux navires de commerce transporteurs de passagers (sous certaines conditions).
Depuis 1988, l’amendement Chaban-Delmas autorise sous certaines conditions l’implantation de Casinos dans les villes de plus de 500 000 habitants.

La décision est rendue par le Ministère de l’Intérieur après enquête et est soumise à l’approbation du conseil municipal. Bien entendu, cette autorisation peut être révoquée en cas de non respect de la réglementation en vigueur.

L’arrêté ministériel d’autorisation fixe :

  • La durée de la concession
  • Les jeux de hasard autorisés
  • Leur fonctionnement
  • Les mesures de surveillance et de contrôle
  • Les conditions d’admission
  • Les horaires d’ouverture
  • Le taux et le mode de perception du prélèvement (15% du produit brut des Jeux au profit d’œuvres de prévoyance, d’assistance, d’utilité ou d’hygiène publique)

Le directeur, les membres du comité de direction (dont l’existence est obligatoire) et les personnes employées à un titre quelconque dans les salles de jeux doivent être agréés par le Ministre de l’Intérieur.

La réglementation dans les Casinos est fixée par l’arrêté du 14 Mai 2007 (Ici). Celui-ci détermine, entre autres, la liste des jeux autorisés ainsi que la façon de les mettre en œuvre. Ainsi, l’arrêté contient par exemple in extenso les règles du Texas Hold’em qui est le dernier jeu en date autorisé dans les Casinos.

Quelques exemples des obligations imposées aux Casinos :

  • Deux des membres du comité de direction au moins, dont le directeur responsable ou le membre du comité de direction qui le remplace momentanément, doivent demeurer en permanence dans la commune d’implantation du casino ou dans un rayon de 50 kilomètres pendant toute la période de fonctionnement des jeux.
  • Le directeur responsable lorsqu’il s’absente plus de trois jours est tenu d’en aviser le chef du service des renseignement généraux chargé de la surveillance de l’établissement et de lui communiquer son adresse personnelle et celle du membre du comité de direction chargé de le remplacer, en vue de répondre à toute demande formulée par les agents de surveillance ou de contrôle.
  • Les salles de jeux doivent comporter un second dispositif d’éclairage fonctionnant automatiquement en cas de panne et permettant la poursuite normale des opérations de jeux.

Les jeux autorisés au sein des Casinos sont divisés en deux catégories :

Les jeux dits de « Contrepartie » :

  • La Boule
  • Le vingt-trois
  • La Roulette (française et anglaise)
  • Le Trente et Quarante
  • Le Black Jack
  • Le Craps
  • Le Punto Banco
  • Le Stud Poker
  • Le Hold’em Poker de Casino

Les jeux dits de « Cercle »

  • Le Baccara chemin de fer
  • Le Baccara à deux tableaux à banque limitée
  • Le Baccara à deux tableaux à banque ouverte
  • L’Ecarté
  • Le Texas Hold’em Poker (limit, Pot limit ou No limit)

Le poker peut donc se pratiquer sous 3 formes distinctes : Le Stud Poker et le Hold’em Poker de Casino qui se jouent contre le croupier (jeux dits de contrepartie) et le Texas Hold’em Poker qui se joue contre les autres joueurs.
A noter qu’il existe également une forme informatique (type « machines à sous ») des deux premières variantes.

Pratique du Texas Hold’em au sein des Casinos

Parmi les obligations législatives imposées aux Casinos concernant le fonctionnement du Texas Hold’em Poker, on peut trouver les éléments suivants :

  • Un mélangeur de cartes peut être utilisé dans les conditions décrites à l’article 40-1 du présent arrêté. Dans ce cas, l’utilisation de deux jeux de cartes de format américain, à teinte unie et de couleurs différentes est requise.
  • Le croupier ne peut pas être relevé pendant le coup.
  • La partie débute en présence de deux joueurs minimum. Ceux-ci, installés à la table, assistent à la comptée et à la vérification des cartes. Aucun joueur debout ne peut participer au jeu. La partie se poursuit tant que deux joueurs participent encore au jeu.
  • En cours de partie, aucun joueur n’est autorisé à changer de place.
  • Durant une partie, un joueur peut s’absenter en laissant ses mises à la table de jeu sous la surveillance du croupier. La direction du casino a la possibilité, dans son règlement intérieur, de fixer la durée maximale de cette absence.
  • Chaque joueur reçoit deux cartes qu’il est tenu de protéger.
  • Pendant le coup, quelles que soient leur nationalité, les joueurs ne sont pas autorisés à parler une autre langue que le français, seul l’usage des termes anglais employés au Texas Hold’em poker est autorisé.
  • Les cartes ne doivent en aucun cas être tenues sous le niveau de la table. Elles doivent demeurer de façon visible sur celle-ci.
  • Pour arrêter la partie, les trois dernières mains devront être annoncées préalablement.
  • Le taux du prélèvement opéré au profit de la cagnotte sur le montant effectif de chaque pot est de 4 %.
  • La version du Hold’em pratiquée et ses modalités spécifiques font l’objet d’un affichage permanent, à disposition du public.

Les Parties Privées

L’organisation d’une partie privée doit se faire en respectant certaines règles sous peine de se retrouver en infraction vis à vis de la loi du 12 Juillet 1983 :

Article 1
Modifié par Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 – art. 38 () JORF 7 mars 2007 en vigueur le 7 septembre 2007
Le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue d’une maison de jeux de hasard où le public est librement admis, même lorsque cette admission est subordonnée à la présentation d’un affilié, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 Euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée.
Le fait d’établir ou de tenir sur la voie publique et ses dépendances ainsi que dans les lieux publics ou ouverts au public et dans les dépendances, même privées, de ceux-ci tous jeux de hasard non autorisés par la loi dont l’enjeu est en argent est puni de six mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende.
Le fait de faire de la publicité, par quelque moyen que ce soit, en faveur d’une maison de jeux de hasard non autorisée est puni de 30 000 euros d’amende. Le tribunal peut porter le montant de l’amende au quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l’opération illégale.

Pour que cet article s’applique, il existe 4 conditions cumulatives à satisfaire :

  1. Un Jeu de hasard
  2. Un enjeu : argent ou autre
  3. La tenue d’une maison de jeux
  4. L’ouverture au public

Concernant l’organisation de parties de Poker dans un cadre « privé », les 3 premiers critères sont remplis d’office (étant entendu que la dénomination « maison de jeux » peut s’appliquer à un appartement privé où se déroulent des parties occasionnelles et que la plupart se déroule avec un enjeu). C’est donc le dernier critère qui permet de rester dans le cadre de la loi.
En résumé, l’organisation de parties dans un cadre privé, familial ou amical restreint ne caractérise pas le délit de tenue d’une maison de jeux de hasard, y compris si les parties sont dotées d’enjeux en argent.
Bien évidemment, l’organisateur d’une partie privée ne doit pas être rétribué en contrepartie. Mais, cette pratique est contraire à ce qu’il est convenu d’appeler une partie « entre amis ».

En tant que simple joueur, vous n’aurez jamais aucun problème. C’est l’organisateur qui peut être inquiété en cas de manquement aux règles précitées.

Il subsiste un flou autour de l’organisation de parties par des associations/clubs. Assujettir la participation à un tournoi à une quelconque adhésion n’est pas suffisant pour échapper au critère d’ouverture au public dans le sens où, contrairement à une partie « entre amis » les joueurs ne sont pas nominativement et personnellement invités. A ce jour, et à ma connaissance, aucune décision n’a été rendue concernant ce cas précis et une éventuelle sanction s’appuierait vraisemblablement sur 3 éléments : les conditions d’adhésion, d’organisation du tournoi incriminé et de la divulgation d’un éventuel mot de passe ou équivalent.

En résumé :

  • En tant que simple joueur, vous n’êtes pas en infraction vis à vis de loi du 12 Juillet 1983.
  • Dès lors que vous intervenez dans l’organisation (prêt de tapis, jetons…), vous devez prendre quelques précautions pour rester dans le cadre de la loi. Le meilleur moyen est de n’organiser des parties qu’avec des gens que vous connaissez personnellement.
  • Vous pouvez organiser une partie n’importe où et avec n’importe qui s’il n’y a aucun enjeu (l’enjeu étant le « prize pool » et non le « buy-in »).

Le Poker On-line

La situation du poker sur internet est plus compliquée et instable. En effet, les sites hébergeant des poker-rooms ne sont pour la plupart pas basés sur le territoire français.
Néanmoins, il est admis qu’un casino virtuel organisant des parties de poker est soumis de fait à la loi du 12 juillet 1983 mentionnée précédemment.
De plus, il est important de noter qu’en droit français, il suffit qu’un des éléments constitutifs du délit se déroule en France pour que son auteur soit soumis à la législation française.

La révolution internet ayant fait son œuvre, le législateur s’est trouvé embarrassé pour traiter la problématique du jeu sur la toile. En effet, les outils législatifs se trouvaient inadaptés face à la situation actuelle.
C’est dans ce cadre qu’un comité interministériel s’est tenu en Octobre 2006 aboutissant à la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 (Ici). Cette nouvelle loi a pour but de renforcer la lutte contre les sites de jeux d’argent en ligne
Parmi les nouveautés introduites par ce texte, les deux éléments principaux concernant le Poker sont :

  1. L’interdiction de toute publicité en faveur de sites de jeux illégaux. Les sites de jeux ont tenté de trouver une parade à l’interdiction de publicité en créant deux adresses distinctes. La première, www.gagnergros.net, ne proposant que des jeux avec de l’argent virtuel (donc autorisés par la loi française), et la seconde, www.gagnergros.com, proposant les jeux avec de l’argent véritable. Pas sûr que cela suffise…
  2. La possibilité pour le ministère chargé des finances d’interdire tout transfert de fonds en provenance de ces sites de jeux illégaux (à noter que le transfert inverse, i.e du joueur vers le site, reste autorisé…).

Néanmoins, le simple joueur ne peut toujours pas être poursuivi devant la justice.

Pour résumer :

  1. vous avez le droit de jouer sur internet
  2. vous prenez le risque que vos gains soient bloqués
  3. vous ne devez pas faire de publicité pour un site proposant des jeux de hasard sur internet

Il semble néanmoins évident que cette situation évoluera prochainement. En effet, le droit français ne semble pas en parfaite harmonie avec le droit communautaire. D’autre part, une récente interview donnée par Eric Woerth, ministre du budget, les sites de jeux de table (dont le poker) pourraient être légalisés d’ici 2010 suite à une phase d’expérimentation. A suivre…

Pour finir, un dernier point concernant la législation pokerienne :
Selon l’article 1965 du code civil, « la loi n’accorde aucune action pour une dette de jeu ». En d’autres termes, en cas de refus d’un joueur perdant de payer son dû, le gagnant ne dispose d’aucun recours légal (il existe d’autres recours mais ce n’est pas le propos…).

AVERTISSEMENT : Le présent article n’a pas été rédigé par un juriste professionnel.

Sources :
www.clubpoker.net
www.pokeracademie.com (article intitulé On a tous droit à son Poker !!)
– Rapport d’information n°223 du sénateur F.Trucy sur la mission sur les jeux de hasard et d’argent en France.
www.legifrance.gouv.fr
www.lescasinos.org
www.ecolefrancaisedepoker.fr (Le poker la loi et moi)